canut

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27.10.13

Jimmy Mc Donough - Shakey


Je peux vous apprendre tout ce que je sais en une heure de temps.
Tout.
C'est pour vous dire à quel point c'est simple de faire des disques.
De nos jours, mec, c'est l'ingénieur du son qui contrôle tout.
Certains comparent ça quasiment à de la magie noire, ou au pilotage d'une soucoupe volante.
Eh bien, je peux apprendre à n'importe qui comment la piloter, cette soucoupe !
Regarde une table de mixage d'aujourd'hui, tu vas avoir genre trente boutons, niveau des aigus,
niveau des fréquences moyennes, niveau des basses, tout ça étalonné en degrés minuscules, et c'est que de la frime.
Ca sert à rien et tu dois pas te laisser intimider.
Tu fais comme si ça n'y était pas. Rien de tout ça.
Je vais dans des studios qui ont les tables de mixage les plus balèzes de la planète,
je demande le schéma de fonctionnement :
"Est-ce que tu peux raccorder d'ici à là et bon, éliminer tout le foutu machin ?"
Je fais passer le son directement dans les magnétos, et voilà.
Toutes les consoles d'aujourd'hui sont fabriquées par des geeks,
elles ne valent pas un clou et elles ont une sonorité atroce.
Aucune d'elle n'arrive à la cheville du matos de l'ancien temps, par exemple la Console Verte du studio Heider.
Celle-là elle a quoi ? Deux potentiomètres, les aigus et les graves, une commande panoramique et point final !
J'ai eu la chance énorme de commencer à faire des disques quand j'étais un jeunot et ça c'est passé au Gold Star de Wall Heider,
donc ceux qui m'ont appris le métier ont été Frank Dimidio, Dave Gold, Stan Ross, Dean Jensen...
des gus qui étaient les génies de l'industrie musicale, et qui le sont encore.
Ils m'ont enseigné le son, et comment on fabrique un son et selon quels principes,
et ce qu'ils m'ont surtout dit est une vérité en béton : c'est à la source que tu obtiens un son super.
Mets un micro correct en face de ta source, amène le son sur la bande par la voie la plus courte possible,
et c'est comme ça que tu obtiendras le meilleur résultat. C'est comme ça qu'il faut faire.
Toutes les autres méthodes, c'est de la foutaise.
Le plus grand moment de ma vie, c'est en 1961, quand je me suis pointé pour la première fois à L.A.
J'avais été invité par le studio Radio Recorders à venir voir Ray Charles.
J'arrive et Ray est en train de jouer toutes les parties de piano de la main gauche,
en lisant une partition en braille avec la droite, et il fait la partie vocale en live avec un
orchestre au grand complet derrière lui. Moi je m'assois et je regarde.
Et là, je me dis : "C'est comme ça qu'on fait un disque ! Tu mets tout le monde dans le foutu studio et bang, c'est parti !"
En ce temps-là, tout le monde savait qu'il fallait aller sur le terrain, bander en même temps et assurer.
Et trois heures plus tard, ils ressortaient de la putain de salle avec un disque dans la poche, mec.
Bien sûr on n'avait pas l'enregistrement huit pistes à cette époque, ni seize pistes, ni vingt-quatre,
ni quarante-huit, ni soixante-quatre et ainsi de suite, toujours plus pour baiser la tête des gens,
et entre parenthèses c'est ce qui a foutu en l'air le boulot d'enregistrement et les musiciens eux-mêmes aujourd'hui,
qui les a foutus en l'air au point qu'ils seront plus jamais pareils, à mon humble avis.
Les gens ont découvert qu'ils pouvaient assurer leur partie... après !
Jouer leur truc et l'arranger après. Sauf qu'en rock'n'roll, plus tu calcules, plus tu es nul.
C'est très facile, d'oublier ce que le rock'n'roll est pour de vrai.
Tu vois, mec, j'ai quarante-sept balais, j'ai grandi dans le Wyoming, j'ai chouré des bagnoles
et je me suis tapé huit cent bornes pour aller voir Little Richard et j'vais te dire un truc :
quand j'ai vu ce Nègre-là arriver en scène dans un costard doré, avec les tifs qui volaient dans tous les sens,
se mettre à taper sur son piano et déjanter complétement en faisant "Salt Lake City",
je me suis dit : "Hé, mec, j'veux être juste comme lui ! C'est ça ce que je veux."
Encore aujourd'hui il assure d'enfer.
Le rock'n'roll, c'est pas soporifique, c'est pas peinard, ça n'a rien à voir avec le fric ni rien.
C'est comme le vent, la pluie, le feu : c'est élémentaire.
Des gamins de quatorze piges, ils réfléchissent pas, ils ressentent.
Le rock'n'roll, c'est du feu, mec, c'est le feu.
C'est une attitude.
C'est faire un pied de nez au monde entier.
David Briggs in "Shakey" de Jimmy McDonough

4 commentaires:

Everett W. Gilles a dit…

C'est promis : jamais au grand jamais je n'ouvrirai "Garage Band" sur mon Mac...
Je continuerai plutôt à écouter des loustics talentueux!!
EWG

Ma a dit…

j'ai passé des nuits entières sur garage band, sans me prendre la tête, je collais à la queue leu-leu des boucles de guitares saturées avé un banjo, des tubes j'te dis...
pour le prochains GJDBMDD hahaha
Ma

DevantF a dit…

"C'est comme ça qu'on fait un disque ! Tu mets tout le monde dans le foutu studio et bang, c'est parti " it sounds good! Probablement que il y a des disques que j'aime qui ne correspondent pas à cette définition, mais qu'elle est jouissive cette définition

Everett W. Gilles a dit…

Yo Ma, tu me tentes là, il me tarde d'écouter ça !!
EWG